Sous Pierre le Grand, tsar de Russie dès 1682 et empereur à partir de 1721, le calendrier acquiert une importance nouvelle. Avant ses réformes, la Russie vit au rythme du calendrier julien, utilisé par l’Église orthodoxe, qui encadre à la fois les fêtes religieuses et la vie agraire. Cependant, avec l’ouverture du pays aux sciences et aux modèles européens, le calendrier joue un véritable rôle dans la modernisation du pays.
En 1700, Pierre le Grand impose l’abandon du calendrier byzantin — qui compte les années depuis la création du monde — au profit du calendrier occidental fondé sur l’ère chrétienne. Ce changement ne relève pas uniquement d’un ajustement chronologique : il symbolise aussi l’entrée de la Russie dans une nouvelle conception du temps, plus rationnelle et tournée vers le progrès. Mais rompre avec des traditions séculaires ne se fait pas sans provoquer critiques et désapprobations, tant sur le plan religieux que culturel.
Au tournant du XVIIIᵉ siècle, alors que le pays s'engage dans un vaste chantier de réformes pour devenir une puissance moderne, certains semblent prêts à vendre leur âme pour entrevoir l’avenir ; d’autres, plus mesurés, s'efforcent d’en décoder les rouages à l’aide d’éphémérides, de tables astronomiques ou de calculs mathématiques.
Yakov Bruce, conseiller du tsar, savant passionné par les sciences et l’astronomie, fait partie de ces derniers. Accusé non de pactiser avec les enfers, mais avec les astres, il hérite du surnom de « Faust russe ». À sa mort, il laisse derrière lui un étrange manuscrit : un calendrier mystérieux, capable — dit-on — de prédire l’avenir avec une étonnante précision.
Mais… êtes-vous prêts à découvrir ce que le passé révèle sur 2025 et les temps à venir ?
Yakov Bruce : le « Faust russe » au service de Pierre le Grand
Né à Moscou en 1669 dans une famille écossaise installée en Russie depuis 1647, James Daniel Bruce — russifié en Yakov Vilimovitch Brious — devient l’un des plus proches et brillants collaborateurs de Pierre le Grand. Héritier du prestigieux clan Bruce d’Écosse, il incarne à lui seul l’esprit novateur et audacieux de la Russie en mutation.
Homme aux multiples talents, Bruce est tour à tour général, diplomate, ingénieur, scientifique et astronome. Il participe aux campagnes de Crimée (1687, 1689) et d’Azov (1695-1696), puis à la Grande Guerre du Nord. Son rôle décisif à la bataille de Poltava (1709) lui vaut l’Ordre de Saint-André, puis le titre de comte en 1721.
Mais c’est surtout son érudition hors du commun qui marque son époque. Polyglotte, passionné de mathématiques, d’astronomie, de physique, de chimie et d’ingénierie militaire, Bruce est le premier Russe à s’initier directement aux sciences newtoniennes lors d’un séjour en Angleterre en 1698.
Il découvre les théories de Newton, notamment la gravitation universelle — cette force qui attire tous les corps les uns vers les autres — et s’intéresse au mouvement des astres, aux lois du système solaire, aux principes de l’optique et au calcul infinitésimal, qui permet d’analyser les phénomènes en évolution continue. Ce contact avec la pensée scientifique moderne transforme profondément sa manière d’aborder les sciences naturelles.
En 1702, à son retour, il fonde le premier observatoire astronomique de Russie dans la tour Sukharev à Moscou.
Ses connaissances extraordinaires éveillent la méfiance des Moscovites. Dans L’Arabe de Pierre le Grand, Alexandre Pouchkine le surnomme le Faust russe. Le peuple lui prête des pouvoirs magiques : arrêter les balles, créer un homme à partir de fleurs, prédire le temps avec précision, voire découvrir un élixir de jeunesse.
La légende affirme même qu’il cache, dans les murs de la tour Sukharev, un mystérieux Livre Noir, prétendument dicté par Satan lui-même. Aucune preuve n’atteste son existence. En revanche, le Calendrier Bruce (appelé Briousev ou Briusov en russe) existe bel et bien.
Bien qu’il n’en soit pas l’auteur direct, ce calendrier, publié en 1709, est longtemps attribué à Bruce. Il aurait en réalité été rédigé par Vasily Kiprianov, bibliothécaire et éditeur, sous la supervision du savant.
Le Calendrier Bruce : entre savoirs et prophéties
La première édition du calendrier porte le titre suivant :
« Calendrier ou ménologe chrétien. Selon l'ancien style ou calcul pour l'an de l'incarnation du Verbe de Dieu 1710. De la création du monde 7217. Imprimé à Moscou, l'an du Seigneur 1709, le jour de décembre. »
Gravée sur cuivre, cette édition se compose de six grandes feuilles. Les derniers exemplaires complets se trouvent à l’Ermitage, au Musée Pouchkine, et à la Bibliothèque de l’Académie des Sciences.
Le calendrier se divise en deux parties :
- une section pratique qui inclut un calendrier perpétuel de Pâques, les saints et fêtes religieuses des 12 mois, un calendrier lunaire avec phases et durées, les coordonnées écliptiques des étoiles, les prévisions météorologiques selon le zodiaque lunaire, les distances entre Moscou et d'autres villes russes, des cartes de Moscou et Saint-Pétersbourg, les armoiries de l'Empire russe) .
- une section prédictive qui contient des prédictions astrologiques pour 112 ans, puis étendues jusqu'en 2000 dans les éditions suivantes. Les prédictions générales portent sur les guerres, les catastrophes naturelles, les transformations politiques. Les prédictions individuelles s'appuient sur l'année de naissance et la planète dominante.

Gravure sur cuivre du calendrier Bryusov-1720. Portrait de Yakov Bruce-Collection du Musée de l'Hermitage de St Pétersbourg. ''La création du Monde-Les 4 saisons)-Réimpression du calendrier Bruce-1874
Le Calendrier de Bruce : un savoir ésotérique aux origines multiples
Le Calendrier de Bruce est considéré comme une synthèse remarquable des croyances, divinations et présages populaires accumulés au fil des siècles par le peuple russe. Véritable agrégation de traditions ancestrales, il intègre à la fois les superstitions populaires russes anciennes et les enseignements astrologiques venus d’Occident.
Les auteurs de ce calendrier se sont appuyés sur une diversité de sources écrites, dont plusieurs étaient étrangères. Bruce lui-même, disposait d’une vaste bibliothèque regroupant des ouvrages astronomiques et astrologiques en latin, allemand et anglais.
Le contenu du calendrier se distingue par son éclectisme : certains chapitres reposent sur des enseignements qualifiés d’« helléniques et hérétiques », publiés cependant aux côtés de calculs chrétiens, comme les tables pascales. Ce mélange témoigne d’une volonté de concilier différentes visions du monde, religieuses comme ésotériques.
Elle contient également des prédictions astrologiques couvrant une période initiale de 112 ans, étendues par la suite jusqu’à l’an 2000 dans les éditions ultérieures. Ces prédictions générales abordent des thèmes majeurs tels que les guerres, les catastrophes naturelles ou encore les bouleversements politiques. À un niveau plus personnel, les prévisions individuelles s’appuient sur l’année de naissance de chacun ainsi que sur la planète dominante au moment de sa venue au monde.
Sur le plan pratique, le calendrier détaillait avec précision les jours et les heures jugés fastes ou néfastes pour entreprendre diverses activités, en fonction des phases de la Lune et des signes du zodiaque. Il conseillait notamment les moments propices pour : envoyer les enfants à l’école, débuter de nouvelles pensées, laisser les animaux au pâturage, pratiquer des saignées, couper du bois, se marier, bâtir une maison, partir en guerre, prendre des remèdes ou encore se faire couper les cheveux.
Un volet important du calendrier portait sur l’influence des douze signes célestes sur le caractère et le destin des individus, selon leur date de naissance. Par exemple, une personne née sous le signe du Bélier était décrite comme ayant un visage et un cou allongés, un tempérament prompt à la colère, peu chaste, tombant rapidement amoureux mais quittant tout aussi vite, et nécessitant, selon le texte, pas moins de trois épouses.
Enfin, le calendrier comportait des prédictions météorologiques ainsi que des prévisions agricoles : il annonçait l’abondance ou la rareté de certaines cultures (blé, foin, orge, semailles), tout en alertant sur les risques d’infestations par des parasites tels que les chenilles, les souris ou les vers.
Prédictions 2026
Saturne, maîtresse du destin dans le mystérieux cycle Bruce
Le système repose sur un cycle planétaire de 28 ans. Chaque planète gouverne certaines années selon une périodicité fixe.
Le calendrier utilise un système basé sur l'influence des sept «planètes» traditionnelles (incluant le Soleil et la Lune) :
1. Soleil
2. Lune
3. Mars
4. Mercure
5. Jupiter
6. Vénus
7. Saturne
À partir de 1800 (année de référence du calendrier Bruce, correspondant au début d’un nouveau siècle, après sa publication en 1709), les années gouvernées par Saturne sont :
1802 — 1830 — 1858 — 1886 — 1914 — 1942 — 1970 — 1998 — 2026
Ainsi, 2026 tombe sous l'influence de Saturne. La dernière occurrence en 1998, ajoutée au cycle de 28 ans, mène directement à 2026.
Prédictions générales pour 2026 (cycle de Saturne) :
- Début d'une grande guerre entre « nations civilisées »
- Année nuisible au peuple, avec risque de famine
- Adoption de nouvelles lois dans un État « célèbre »
- Apparition de maladies contagieuses, dont une « peste »
- Hiver rigoureux
- Commerce florissant sur mer et sur terre
- Découverte d'une trahison au sommet d’un État
Le passé confirme-t-il le Calendrier Bruce ?
- En 1821, le calendrier annonce : « apparaîtra au monde un homme grand », malgré des « maux corporels ». Cela semble coïncider avec la naissance de Fiodor Dostoïevski, épileptique, mais devenu un géant de la littérature.
- Pour 1917, il prédit un « heureux carnage » et une « guerre sanglante entre peuples civilisés », évoquant à la fois la Première Guerre mondiale et la Révolution russe.
- Dans les années 1940, les prédictions évoquent une « guerre sanglante » suivie d’une victoire et d’une alliance internationale, ce qui semble annoncer la Seconde Guerre mondiale et la création de l’ONU en 1945.
- En 1998, le calendrier parle de « grande transformation » et de « nouveau mode de gouvernement ». Cette année-là, la crise financière russe provoque un effondrement économique, une crise politique majeure et prépare l’ascension de Vladimir Poutine.
Pourquoi le Calendrier Bruce fascine toujours, trois siècles plus tard
Le Calendrier Bruce jouit d’une popularité extraordinaire en Russie.
Réédité jusqu’en 1869, utilisé jusqu’en 1917, il marque profondément la culture populaire au point que l’on nomme longtemps tous les almanachs brioussy, en son hommage.
Ses rares détracteurs pointent la généralité de son langage prophétique et la tendance naturelle des événements historiques à se répéter.
Pourtant, la coïncidence troublante entre certaines prédictions et les grands tournants de l’Histoire en fait un objet d’étude fascinant, dont la portée résonne encore dans notre présent.
👁️ Le calendrier se referme, mais d’autres oracles s’ouvrent devant vous. Explorez-les… avant que l’heure ne sonne.







